Elaboration des schémas d’accessibilité en intelligence collective, bilan de 5 ans d’accompagnement

Published by Olivier GARRY on

Quelle est le levier le plus déterminant pour réussir une stratégie d’#accessibilité numérique? Quelle est la différence entre un bon et un mauvais schéma pluriannuel de mise en accessibilité numérique ?

Quels sont les résultats d’un accompagnement par le #designthinking d’une transformation des processus d’organisation pour la mise en oeuvre d’un projet aussi transversal ?

Depuis 2019, BIMBAMBOUM, en partenariat avec Temesis, accompagne les partenaires et clients dans l’élaboration de leur schéma pluriannuel d’accessibilité numérique, disposition réglementaire du Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA).

Après 5 ans, et près d’une vingtaine de schémas co-conçus, l’heure des bilans et des enseignements est possible, tant en matière de gouvernance, de modification des processus de production ou des projets sécurisant la mise en œuvre d’une véritable stratégie de long terme pour faire de l’accessibilité un « ADN » de la gestion de projet numérique. 

L’accompagnement de Temesis et BIMBAMBOUM repose sur la méthodologie d’intelligence collective “design thinking” ou design de services. Cette démarche associe l’ensemble des acteurs dans des ateliers communs leur permettant d’interroger collectivement tous les attendus du RGAA pour co-construire leur stratégie au regard de leur contexte et écosystème et ainsi définir leurs projets spécifiques qui seront la colonne vertébrale de la stratégie d’accessibilité. 15 à 20 participants en moyenne composent les ateliers.

Points de méthode d’analyse

L’analyse présentée repose sur les accompagnements de 17 entités publiques (collectivités territoriales, ministères ou établissements publics) ou privés (secteur de l’assurance, bancaire, industriels…) de 2019 à fin 2023.

Pour chaque schéma, plusieurs projets ont été élaborés pour soutenir la stratégie d’accessibilité des entités. La classification et la typologie des projets permettent d’identifier les points communs et les points plus spécifiques pour en tirer un bilan analytique. 

Ce retour d’expérience est a été réalisé par  Aurélien Levy et Olivier GARRY sur l’accompagnement des schémas d’accessibilité en intelligence collective par Temesis.

Quelle gouvernance d’une stratégie d’accessibilité numérique ?

En matière de gouvernance, trois grands types de scénarios se dessinent pour gérer un sujet aussi transversal que l’accessibilité numérique dans des organisations complexes.

Ces scénarios s’inscrivent systématiquement dans la culture de l’entité. Ils utilisent les mécanismes et outils déjà en place sans nécessité de repenser  l’organisation afin de faciliter l’appropriation par les équipes et services.

Rattachement à un service existant, le modèle pyramidal

Pour les entités dont le fonctionnement repose sur un modèle d’organisation de type pyramidal, le choix du pilotage du projet se fait par le rattachement à un des services existant dans l’organisation.

Selon la culture de l’entreprise, son historique ou sa raison sociale, ce service varie entre les services portant les enjeux du handicap et de la politique sociale et environnementale (RSE), ceux  en charge des services du numérique et/ou des systèmes d’information ou enfin des services de la « communication » en charge des sites internet.
Dans ce cas, le choix se fait souvent sur la « légitimité naturelle » de l’un ou l’autre au regard de la culture d’entreprise et des collaborateurs.

La gouvernance mixte, co-légitimité du portage de l’accessibilité

Si ni l’un ni l’autre ne dégage une légitimité évidente, le modèle retenu se porte soit sur une gouvernance mixte, soit sur un rattachement direct de plus haut niveau (Direction générale) afin d’asseoir la légitimité du projet pour l’ensemble des services et des collaborateurs.

Dans ces scénarios, la gouvernance se traduit par la mise en place d’une comitologie dédiée au sujet de l’accessibilité (comité de pilotage).

Du fait des problématiques et des projets à mettre en place relevant de différents services, il est en effet nécessaire d’assurer un suivi et une coordination régulière de l’ensemble des acteurs du projet, et des services ou départements concernés.

Un poste de référent « accessibilité » est institué pour assurer la coordination quotidienne, le suivi et l’avancement des projets, ainsi que le reporting.
Il est en général rattaché au service pilote du projet, mais ce n’est pas une condition absolue.

Organisation « matricielle », gouvernance « agile »

Pour les entités, souvent nées avec le numérique, l’organisation interne repose sur un mode de type matriciel, avec les équipes projets appuyées par des services supports.

Dans ce cas, la gouvernance de l’accessibilité numérique est mise en place via une instance de coordination dédiée et spécifique.

Un référent accessibilité ou directeur de programme dédié est institué pour assurer le pilotage du projet au sein de cette instance.

Cette organisation nécessite un sponsoring de haut niveau pour « légitimer » cette instance de coordination détachée d’un service identifié dans un organigramme classique de Directions ou de départements.

Les constantes d’une gouvernance de l’accessibilité numérique

Dans les deux types de scénarios, on retrouve des constantes concernant la mise en place de la gouvernance : 

  • nomination d’un référent, porteur du projet d’un point de vue stratégique et point de coordination pour les différents services en charge des actions ;
  • des « relais » accessibilité sont instaurés dans les services ou dans chaque équipe concernés par l’accessibilité numérique ;
  • un comité de pilotage ou de coordination transverse pour le suivi de mise en oeuvre du schéma ; 
  • une périodicité soutenue des instances de coordination est instituée au lancement du projet (mensuelle, trimestrielle).

Dans certaines organisations plus complexes, la nomination/création d’un référent-expert (profil plus technique) complète le poste de référent stratégique pour créer un binôme pilote de l’ensemble de la stratégie et du soutien aux équipes en charge des productions numériques.

Ce qu’il faut retenir des modèles de gouvernance  :

  • 53 % avec rattachement à un service spécifique (RSE-handicap, numérique ou communication)
  • 17,5 % par organisation matricielle 
  • 29,5 % par gouvernance mixte
  • Désignation d’un référent stratégique et/ou opérationnel
  • Des relais « accessibilité numérique » dans les services
  • Une coordination soutenue au lancement du projet

Les clefs de priorisation des mise en conformité du parc numérique

En matière de gouvernance, outre le suivi et reporting des actions et projets spécifiques du schéma (cf ci-dessous), la définition des critères de priorisation est une question systématique.

Le bilan des différentes stratégies se caractérise par une pluralité de critères d’aide à la décision ne posant pas que sur des considérations de faisabilité technique ou de coûts ou d’audience des « objets » numériques du parc.

En pondérant chacun des critères selon le contexte des acteurs, il est possible d’aider plus finement les acteurs décisionnaires du calendrier des projets dans leurs choix ; pondération des critères qui peut être revue à échéance régulière.

5 critères sont quasi systématiquement retenus dans les choix de priorisation : 

  • critère de fréquentation et d’audience :
  • critère de visibilité externe / interne
  • critère de priorité stratégique de l’objet numérique concerné (un site vitrine par exemple)
  • critère des populations cibles si les sites s’adressent spécifiquement à des publics en situation de handicap
  • obsolescence informatique avec « décommissionnement » déjà programmé.

En quoi sont modifiés les processus de production numérique et la gestion de nouveaux projets ?

La modification ou l’évolution des processus de production numériques est un enjeu majeur dans l’élaboration collective des schémas pluriannuels d’accessibilité.

La maturité de conduite de projets numériques est variable dans les entités, y compris dans des entités complexes. 

Du modèle parfaitement documenté fondé sur un design système et des référentiels détaillés à chaque étape de la chaîne de production au situation de gestion totalement décentralisées sans aucune mise en commun, l’éventail des schémas de processus de production numérique est large et quasiment spécifique à chaque entité.

Le sujet de prise en compte de l’accessibilité numérique se traduit systématiquement par le lancement d’une première réflexion organisée sur la rationalisation de ces processus de production ou, dans les cas déjà très avancés, par un (re)questionnement de cette prise en compte de l’amont des projets jusqu’à leur exploitation en service réguliers.

Ce questionnement ne concerne pas que les étapes « techniques » ou de développement mais questionne aussi l’expression de besoin en amont, la phase de conception mais également la chaîne « éditorial » et de production de contenus ainsi que le processus de correctif suite à une remontée des usagers pour défaut du respect des critères d’accessibilité et donc la relation usager.

Intégrer l’accessibilité dès l’expression de besoin et les études d’opportunités en associant les services achats

L’un des axes majeurs d’évolution du processus de fabrication numérique concerne l’analyse initiale des projets pour identifier dès l’amont l’impact de la mise en conformité d’accessibilité au regard du service et besoin usager identifié. Cette prise en compte dès l’étude d’opportunité peut permettre de réfléchir sur le niveau fonctionnel du service rendu (media, interactivité…) avant même de travailler sur les spécifications techniques. 

C’est aussi le moment, dans le cas des prestations externalisées, d’associer au plus tôt les services des achats pour sécuriser l’ensemble de la gestion de projets afin de garantir des produits et services finis conformes quand ils dépendent de prestataires extérieurs.

Pour certaines entités, la question même du « go-nogo » peut se poser au regard de l’accessibilité pour engager les moyens et équipes dans la production du projet.

Initier un design système et une documentation projet partagée

Sujet transversal par définition, l’accessibilité numérique implique naturellement pour l’ensemble des acteurs de partager des informations, de la documentation, des référentiels communs pour garantir la cohérence du travail des équipes, en particulier dans le cas d’organisation très décentralisées ou travaillant en mode « agile ».

Qu’il existe, ou non, le projet de design system est évidemment une question récurrente, voire systématique dans la réflexion d’évolution de processus de gestion de projet numérique à l’occasion du questionnement sur l’accessibilité.

Une formation ciblée des différents acteurs de la chaîne de production

Que ce soit à l’étape de conception (UX-UI) ou des développements et intégration ou de la production des contenus pour mise en service, la nécessité de formation ciblée des acteurs et collaborateurs est également un enjeu systématique pour l’ensemble des entités accompagnées.

Pour celles connaissent des « turn over » fréquent d’équipes, se pose la question de la pérennité des compétences d’accessibilité dans l’ensemble des services en charge d’un des aspects de la production de services numériques.

Formation et gestion des compétences dans le temps, sont des clefs essentielles pour garantir des processus efficients.

Penser le retour usager

Si la maturité peut être variable pour intégrer l’accessibilité dans les processus de gestion de projets, elle est en revanche quasi-absente de la gestion de la relation usager.

Une fois mis en place le formulaire ou la boîte mail générique pour des demandes de corrections, la gestion cohérente et suivi du processus de correction pour retour à l’usager des corrections de défaut d’accessibilité, est quasi inexistante au démarrage du projet de schéma d’accessibilité ; le processus de relation usager d’accessibilité devient donc un sujet systématique pour chacune des entités et organisations. 

Quels sont les projets socles d’une stratégie d’accessibilité les plus fréquents ?

Si les attendus du RGAA interrogent essentiellement la gouvernance ou l’évolution des processus de gestion de projets numériques, la cohérence et la pérennité d’une stratégie d’accessibilité numérique se traduit, à chaque fois, par des projets « socles » complétant les plans d’action annuels.

Les projets « soutien » incontournables

Deux projets systématiques venant en soutien d’une stratégie d’accessibilité numérique concerne les plans de formations et politique de recrutement d’une part, et l’évolution de la politique contractuelle avec les prestataires extérieurs. Cette dernière peut aller jusqu’ élaborer des stratégies « gagnant-gagnant » pour intégrer les partenaires pleinement dans la stratégie ou en questionnant la politique de pénalités de non-respect de l’accessibilité au moment des livrables.

Sensibilisation et engagement

Les projets de sensibilisation des collaborateurs et de communication interne sur l’accessibilité sont rapidement identifiés comme un levier incontournable pour garantir la réussite dans le temps d’une stratégie d’accessibilité efficiente.

Ils sont, pour la moitié des cas, si elle n’est pas déjà en place, accompagnés de l’élaboration de charte interne d’inclusion numérique et d’accessibilité.

Une politique de test inclusive, une évidence

Inclure des personnes en situation de handicap pour des tests d’usages et pas uniquement de conformité est associée à une stratégie à 360 degré de l’accessibilité numérique. L’inclusion peut reposer sur des collaborateurs internes, l’association de panels usagers ou en partenariat avec des associations opérant sur le champ du handicap ou de l’accessibilité numérique .

Quelle est le levier le plus déterminant pour réussir une stratégie d’accessibilité ?

Au-delà des sujets de moyens et budgets classiques dans des refontes d’organisation de production numériques, la question de l’accessibilité du fait de son aspect à la fois technique et sociétal, nécessite un engagement de l’ensemble des directions et services d’une entité publique ou privée.

Réussir une telle transversalité et cohérence implique un portage fort évitant de remettre en question la légitimité de de l’accessibilité au même titre que la sécurité ou la gestion des données personnelles.

Ancrer la stratégie d’accessibilité dans l’ADN même de l’organisation en matière de numérique est certainement le défi majeur se révélant pour chaque entité s’engageant dans un schéma efficient d’accessibilité numérique dépassant la simple obligation réglementaire de publication.

Annexe : données statistiques du panel d’analyse

Nature d’organisation

  • Entités publiques : 7 (41 %)
  • Entreprises : 10 (59 %)

Type de gouvernance

  • Gouvernance rattachée à un service : 9 (53 %)
  • Gouvernance mixte : 5 (29,5 %)
  • Gouvernance matricielle : 3 (17,5 %)

Typologie de projets

  • Plan de formation : 16 (94 %)
  • Politique de recrutement : 10 (59 %)
  • Plan de communication-sensibilisation : 16 (94 %)
  • Modification doc contractuels : 16 (94 %)
  • Modification process : 16 (94 %)
  • Dimension stratégique (charte interne, doc stratégique d’entreprise…) : 7 (41 %)
  • Politique de tests / contrôles : 16 (94 %)
  • Relations usagers accessibilité : 13 (76,5 %)
  • Documentation accessibilité / guide bonnes pratiques : 6 (35 %)
  • Réseau retours d’expériences du secteur : 3 (17,5 %)

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Olivier GARRY

Olivier, designer de services et fondateur de BimBamBoum > voir le profil complet - linkedin (https://www.linkedin.com/in/ogarry/)